La rocaille…
Plutôt qu’un style, la rocaille est une nouvelle orientation donnée au répertoire des formes et des couleurs de l’ornementation, domaine par excellence des arts dits appliqués ou décoratifs.
Elle accompagne les premières décennies du règne de Louis XV, de 1725 à 1750 environ.
Elégance, raffinement, légèreté caractérisent la production d’alors et un certain art de vivre qui organise les espaces intérieurs dans le souci non plus de grandeur et de solennité, mais de confort et d’intimité.
Les couleurs pastel dominent, tandis que les motifs de la coquille, des feuilles d’acanthe, des haricots, des cartouches à croisillons s’associent dans un ballet de courbes et de contre-courbes que régit une joyeuse dissymétrie.
…appliquée aux faïences du 18e siècle
Ces motifs s’invitent sur les faïences d’époque, qui suivent l’argenterie : ils leur fournissent le décor appliqué sur des formes délicates et sophistiquées, comme les assiettes et les plats à bords contournés ou chantournés. Les pièces audomaroises de la manufacture Saladin-Lévesque (1751-1788) en offrent de charmants exemples.
Un peu plus tôt, la chinoiserie rouennaise aura eu sa déclinaison rocaille, servie par une palette éclatante.
Mais ce sont les lambrequins, intégrant volontiers des cartouches à croisillons, qui donneront un terrain fertile à l’expression rocaille du 19e siècle.
Le revival du 19e siècle
En effet, l’historicisme qui traverse le Second Empire remet, entre autre, la rocaille au goût du jour.
À Desvres, où l’on se décide à reproduire les styles anciens à partir du début des années 1870, la rocaille aux lambrequins rouennais polychromes est déclinée sur d’innombrables objets tant fonctionnels que décoratifs : vases, jardinières, cache-pots, plateaux à œufs, vide-poches, classeurs à courrier…
La concurrence entre faïenciers, y compris locale, favorise l’inventivité et des formes particulièrement recherchées voient le jour, enrichies de la palette vive du grand feu : jaune, rouge, vert, bleu, violet-brun. Apposées sur le fond blanc stannifère, ces couleurs pétulantes égaient les intérieurs sombres, aux meubles souvent massifs, de l’époque.
La faïence rocaille desvroise au 20e siècle
La faïence à décor Rouen perdure à Desvres, tout au long du 20e siècle, dans sa veine rocaille et s’affirme comme une production de tradition jusqu’à nos jours.
Ce faisant, elle accuse une certaine déconnexion avec le goût du jour : complexité de la forme, surcharge du décor, brillance, multiplicité des couleurs ne sont plus ni prisées, ni comprises.
Ces pièces qui s’imposent par leur exubérance et se rattachent à un autre temps sont désormais mal aimées, mal jugées, quelle que soit leur ancienneté, en particulier des jeunes générations…
Le projet Rocaill’Art…
Sans attendre le prochain revival de la faïence rocaille, le Musée de la Céramique de Desvres a voulu lui donner une nouvelle dimension grâce à la création contemporaine.
Ravivant les liens du passé, quand – il y a près d’un siècle – l’Ecole Municipale d’Arts de Boulogne fournissait aux faïenciers desvrois des sculpteurs inventeurs de modèles, le musée a proposé à ses artistes-enseignants une carte blanche à partir de ses collections : que chacun, dans sa discipline, propose une œuvre inédite en réaction ou sous l’inspiration des faïences ainsi remises dans la lumière, à nouveau génératrices d’émotions et d’interrogations, attirant à nouveau les regards.
Se sont prêtés au jeu Jean-Pierre Barbet, Julie Brianti, Marc Butti, Amélie Cazin, David Delcloque, Michel Dhalenne, Virginie Dubois, Laura Durandeux, Pascal Hautecœur, Philippe Manière et Henri-Georges Vidal.