Le domaine de la céramique architecturale recouvre tous les produits réalisés en terre cuite qui visent à habiller, à protéger, à agrémenter aussi bien un mur intérieur qu’extérieur, une façade, un sol, une toiture ou tout ouvrage immeuble par définition : une cheminée, un rebord de fenêtre…Le plus connu de ces produits, et de loin le plus massivement fabriqué, est le carreau.
Bien connue et largement exportée, la production Desvroise de carreaux stannifères (carreaux de faïence à l’oxyde d’étain) semble avoir démarré dans les dernières années du 18e siècle, au sein de la première faïencerie fondée vers 1765 par Maître Sta.Peut-être a-t-elle coïncidé avec l’arrivée dans cette manufacture, en 1791, d’un Lillois nommé François-Joseph Fourmaintraux, dont la ville natale, sous l’influence des Pays-Bas tout proches, produisait des carreaux depuis de nombreuses décennies.Premier d’une longue dynastie, François-Joseph Fourmaintraux-Bénard fonde sa propre faïencerie vers 1804. À cette époque, trois sont en activité à Desvres : outre la sienne, celle de ses premiers employeurs, les Sta, et celle des Boulongne, ancienne famille locale de potiers. Leur production, stylistiquement très proche, s’inscrit parfaitement dans celle de l’époque.Tout au long du 19e siècle, et jusqu’à nos jours, les fabriques vont se côtoyer et se succéder. Toutes proposeront des carreaux à leur clientèle ; elles trouvent chacune leur place dans cette exposition qui balaie deux siècles de production, de l’artisanat à la mécanisation puis à la robotisation, du décor peint à la main aux pochoirs et aux divers procédés d’impression.
Une faïencerie s’est particulièrement distinguée dans ce domaine dont elle s’est fait une véritable spécialité : celle de François Fourmaintraux-Courquin, située rue de la Belle Croix. Reprise par son fils Charles, elle se développe en Établissements Fourmaintraux & Delassus avant de devenir la société puis la marque Desvres. Méritant une exposition à elle-seule, la production de la Belle-Croix a traversé les époques, les goûts et les modes en proposant une gamme de produits très diversifiés, adaptés à une clientèle soucieuse de modernité. Elle nous permet d’exposer, à côté des carreaux stannifères, des carreaux de faïence fine, à émaux cloisonnés notamment, et de grès.
La sélection de pièces présentées ici, issue essentiellement des collections du Musée de la Céramique, en reflète la richesse – mais aussi les lacunes qui seraient à combler. De nombreuses acquisitions récentes sont dévoilées au public pour la première fois, tandis que certaines pièces, non encore intégrées au parcours permanent, bénéficient d’une juste mise en valeur.
Les estampilles et le traitement du revers des carreaux n’ont pas été oubliés et font partie des éléments exposés.
Parce que la céramique architecturale ne peut réellement se comprendre et s’apprécier qu’en situation, des photos projetées complètent l’exposition par la découverte de carreaux et de panneaux encore visibles à l’extérieur ou réservés aux familiers de quelques propriétaires privés, dans Desvres même ou ailleurs. Elles s’accompagnent également de vues d’ensembles récemment disparus, qui nous rappellent que si Desvres a longtemps recouru à la céramique architecturale pour rehausser ses façades, ce goût tend à disparaître, menaçant un patrimoine mésestimé et peu ou pas protégé.
Ainsi, loin de constituer l’aboutissement d’un travail de recherche et de présenter des conclusions, cette nouvelle exposition consacrée à la céramique architecturale est néanmoins porteuse d’une ambition : celle de dire et d’illustrer la valeur de ce patrimoine, sa portée historique et le sens tout particulier qu’il revêt ici.